Les entreprises ont acquis un bon niveau de maturité dans leur stratégie de sourcing, en comparaison de ce que cela pouvait être au début des années 2000. La construction d'un business case conclut l'étude de sourcing : aucune opération de sourcing ne passe plus sans son approche financière, son "business case", qui in fine valide ou non le bien-fondé d'une démarche d'externalisation, ou d'un projet de fusion de contrats d'externalisation, ou encore d'extension d'un parc déjà infogéré.
Le danger des business cases irréalistes
La démarche est irréprochable. Malheureusement on voit encore trop de business cases irréalistes : des espérances de gains de 20 % dès la première année par exemple, ou des transformations qui apporteraient des réductions de coûts d'exploitation de 20 à 30%, voire davantage. Se greffent sur ces espérances trop optimistes, donc dangereuses, des projets de réductions d'effectifs internes trop fortes qui ne permettent plus d'assurer correctement la gouvernance.
Pour gagner les affaires les candidats en compétition acceptent parfois l'impossible. Certains sacrifient leur marge pour gagner une part de marché, pour gagner une référence, pour alimenter leurs équipes. D'autres vont plus loin que sacrifier la marge et sont conscients d'un risque plus important – ils chercheront soit à renégocier le prix plus tard, soit à facturer en avenant la moindre demande hors contrat. Pire est la situation dans laquelle le prestataire qui s'est engagé dans un contrat déficitaire démantèle peu à peu l'équipe de techniciens compétents par des profils de moins bon niveau, plus jeunes, moins chers, voire délocalisera une partie des opérations vers un site nearshore ou offshore. Dans ces cas de figure le client perd au final les bénéfices qu'il croyait atteindre, et souffrira de la gestion contractuelle dure et de la baisse de qualité significative.
Les business cases hasardeux
Certains business cases font des hypothèses ambitieuses mais hasardeuses puisque liées aux résultats d'une phase de découverte, ou bien aux résultats d'un projet de transformation.
Les phases de découverte qui mettent à mal le business case
Lorsque les inventaires de systèmes, de logiciels techniques et d'applications ne sont pas complètement fiables, le business case retient une hypothèse et suppose que les analyses d'inventaire détaillées ultérieures non seulement confirmeront les données mais aussi apporteront des solutions de consolidation et d'optimisation.
Dans le cas d'une grande incertitude sur les données, les phases de vérifications des hypothèses deviennent des "phases de découverte". Il peut s'agir de la due diligence, de la transition, de la phase probatoire. Dans les très grands parcs on est parfois amené à conduire un "true-up" ("faire remonter la vérité) qui consiste à établir des inventaires détaillés.
On n'est pas à l'abri de mauvaises découvertes ou de cas d'infaisabilité. Les divergences importantes peuvent ruiner le business case.
La transformation qui ne livre pas tous les résultats attendus
Le business case a parfois trop espéré de l'industrialisation, de la consolidation, du regroupement de serveurs dispersés vers un data center unique, etc. Des opérations qui n'ont pas pu être finalisées à temps, ou qui n'aboutissent pas complètement. Il ne faut pas non plus attendre de grosses réductions de coûts d'exploitation en revoyant complètement les processus de production. Le prestataire cherche à appliquer ses propres processus et ses propres méthodes, si le client tient encore aux siens, l'adaptation du fournisseur est nécessairement coûteuse et perd en efficacité. Les gains attendus ne sont pas au rendez-vous. Et puis il y a eu suffisamment d'études d'analystes qui ont prouvé que la mise en place d'ITIL apportait beaucoup en qualité, en rigueur, en stabilité, mais très peu en réduction de coûts.
Une approche pragmatique du business case
Il arrive que l'étude financière conduise à renoncer à une opération d'externalisation, à un changement de prestataire, ou à l'extension d'un contrat d'externalisation. Lorsque la solution étudiée est plus coûteuse que la situation courante, il est normal et sage de renoncer.
Les cas de business case attrayants sont plus nombreux. Mais nous en voyons beaucoup que nous qualifierions d'imprudents. Nous recommandons une approche bien simple, celle de toujours avoir un scénario "hypothèses hautes" et un scénario "hypothèses basses". Ce dernier intègre les facteurs de risques, et fixe des objectifs modérés, facilement atteignables. Idéalement scénarios "haut" et "bas" permettent de prendre la décision, si le scénario "bas" reste encore attractif. La décision est évidemment plus difficile si le scénario haut fait rêver mais le scénario bas est "déficitaire". Dans ce cas il faut raffiner les chiffres et essayer de s'approcher le plus possible du faisable, réalisable, raisonnable, atteignable. Et avoir le courage soit de renoncer, soit de considérer qu'indépendamment du prix, une externalisation ou un regroupement de contrats d'externalisation apportera beaucoup sous l'angle de la qualité de service, de la réactivité, et de la stabilité des processus – tous points qui contribuent à la satisfaction des utilisateurs et soulagent la DSI dans sa mission quotidienne.