Les diagrammes BPMN pourraient-ils remédier à l’illisibilité des matrices RACI dans les contrats d’outsourcing ? Peuvent-ils les remplacer ? Pourraient-ils simplifier leur lecture ?
Je ressors ce billet que j’avais publié en 2011 … mais qui reste d’actualité – avec une mise à jour pour mieux comprendre BPMN.
Des matrices RACI trop complexes
Les matrices RACI (Responsible, Accountable, Contribution, Informed) sont utilisées dans divers domaines : gestion de projet, gestion de contrat d’outsourcing, gestion de systèmes d’information, relations MOA-MOE, etc. Elles sont particulièrement prisées dans les contrats d’outsourcing pour décrire le partage des responsabilités entre client et infogérant. Les matrices RACI ont de nombreux supporters, qui se montrent rassurés dès l’instant où « tout est décrit dans les matrices ».
Pourtant ces fameuses matrices RACI véhiculent trois difficultés sur ce type de contrat.
Une première difficulté est due à la traduction hasardeuse de l’anglais. Trois lettres sont traduites facilement : R = « Responsible » , C = « Contributes », I = « Informed ». Mais A = « Accountable » est traduit par « Approuve » ce qui n’est pas une bonne traduction. C’est peut-être jouer sur les mots ou bien les couper en quatre, malgré tout on observe de nombreux quiproquos et contre-sens à propos du A – surtout dans les contrats internationaux où Français et Anglo-Saxons n’interprètent pas le A de la même façon.
La deuxième difficulté est la lisibilité des matrices, souvent très difficile à cause de deux phénomènes :
- Les matrices sont trop longues, avec des niveaux de granularité trop fins.
- On s’obstine trop souvent à vouloir « remplir toutes les cases ». Il en résulte des matrices remplies de R, A, C, I dans toutes les cases, avec même des « C, I » ou « R, A » dans la même case !
Ces matrices sont fastidieuses à comprendre, parfois même illisibles. Or on entend fréquemment des équipes de gouvernance de contrat d’externalisation reconnaitre qu’elles n’ont jamais lu, ou jamais compris, ou bien lu mais oublié les matrices RACI du contrat. Franchement, espère-t-on qu’une équipe client va assimiler et utiliser … 30 ou 40 matrices RACI de 30, 50 voire 100 lignes, entièrement remplies des lettres R, A, C, I ou de croix dans toutes les cases ? Quelques exemples (certains contrats en ont des pages et des pages de ce type) :
La troisième difficulté vient du fait que les matrices ne sont qu’une énumération d’activités, que certains interprètent à tort comme la description d’un processus. Combien de fois ai-je eu du mal à me faire expliquer comment fonctionnait la gestion des changements, la gestion des incidents, les escalades et les mises en production : on vous renvoie à la matrice RACI, assommante par sa complexité et ne reflétant pas le séquencement des actions.
Certaines équipes de pilotage de contrat d’externalisation se croient à l’abri de tout litige et de toute interprétation grâce au niveau de précision des matrices RACI. Mais le constat est qu’elles maitrisent mal les processus et les modes de fonctionnement avec leur infogérant. Bien pire est la situation des équipes qui ont renoncé à utiliser ces matrices tant elles sont complexes et trop détaillées.
La notation BPMN (Business Process Modeling Notation)
La Business Process Model and Notation fut conçue par l’OMG. Elle permet de décrire simplement la dynamique de processus et de mettre en évidence les acteurs. Ceux qui connaissent SA-DT s’y retrouvent facilement. C’est la notion de « Lane » (couloir, comme dans les piscines olympiques) qui rend BPMN lisible et compréhensible assez facilement y compris par des non-informaticiens.
On peut comprendre la norme par soi-même en lisant les documents officiels sur le site OMG/BPMN : http://www.bpmn.org/. Et il existe de très bons supports pédagogiques (nul besoin d’une longue formation) : https://www.bpms.info/bpmn-la-norme-du-bpm/,
http://www.bpmb.de/images/BPMN2_0_Poster_FR.pdf, et bien d’autres.
Cette notation présente bien des avantages :
- La description compréhensible des processus et macro-processus.
- L’évolution et le réaménagement d’un processus sont aisés à réaliser.
- Les « lanes » (couloirs) de BPMN mettent en évidence le responsable de chaque activité.
- Approbateur, consulté et informé peuvent apparaître par un système de marque ou de couleur.
- L’approbation peut être une activité en soi, du moment qu’il n’y en a pas trop et que les diagrammes ne s’en trouvent pas alourdis.
BPMN et ITIL
La description des macro-processus avec la notation BPMN devrait être beaucoup plus utilisée dans la description des modes de fonctionnement entre MOA, les différentes entités de la MOE et l’infogérant.
Exemple d’un processus de gestion des changements impliquant MOA, plusieurs entités de la DSI, et l’infogérant.
Les éditeurs d’outils BPMN ont bien compris l’apport de leurs outils pour la modélisation des processus ITIL : Casewise, Igrafx, Mega, Bizagi, par exemple – d’autres sans doute. Certains fournissent même des bibliothèques ITIL. Ajoutons qu’il existe une bibliothèque BPMN dans la version pro de Visio de Microsoft.
Complémentarité plutôt que remplacement
D’ici à dire que des représentations BPMN peuvent complètement remplacer les matrices RACI, c’est peut-être un peu rapide.
La description des macro-processus et des processus élémentaires selon la notation BPMN est à nos yeux efficace pour ne pas dire indispensable. Ce sont les schémas que retiendront et utiliseront les acteurs du contrat d’outsourcing.
En revanche, ce ne sont que des dessins, ayant peu de valeur juridique. La matrice RACI devient alors le complément indispensable pour fixer les responsabilités et traiter tous les détails.
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